
Le 12 septembre 2024, Mastercard a annoncé l’acquisition de la société de cybersécurité Recorded Future. Ce rachat confirme l’intensification des conquêtes dans la cybersécurité des puissantes entreprises. Ce domaine est devenu un enjeu stratégique majeur pour ces géants.
Mastercard renforce son arsenal cyber avec Recorded Future
Pourquoi autant d’entreprises s’arrachent-elles les sociétés spécialisées en cybersécurité ? Le 12 septembre 2024, Mastercard a annoncé qu’elle allait acquérir Recorded Future, l’une des plus puissantes sociétés de cybersécurité et d’analyse de données au monde, pour un montant total de 2,65 milliards de dollars. « Il s'agit d'une nouvelle étape dans notre démarche de sécurisation de l'écosystème numérique », a confié Craig Vosburg, directeur des services de Mastercard, à CSO Online.
« Même entreprise, nouveau propriétaire, grande échelle », s’est exprimé sur X Christopher Ahlberg, CEO de Recorded Future. [...] Nous resterons une plateforme de renseignement indépendante et ouverte, opérant en tant que filiale indépendante de Mastercard. » Ainsi, cette autonomie va permettre à Recorded Future d’accéder au vaste réseau du géant du paiement. Les milliards de points de données l'aideront à optimiser davantage ses modèles basés sur l'IA.
Mastercard, lui, aura une vision plus globale du paysage des menaces. Cela permettra aux consommateurs et aux entreprises d'être davantage protégés tout au long du processus de paiement. Un accord gagnant-gagnant.
Ce n’est pas la première fois que les noms de Mastercard et Recorded Future sont associés. Le géant du paiement a fréquemment sollicité la société américaine par le passé. Ils ont notamment collaboré récemment sur un service utilisant l'IA, qui avertit instantanément les institutions financières en cas de suspicion de compromission d'une carte de crédit. Selon les deux sociétés, ce service, lancé au début d’année 2024, a permis de doubler le taux de détection de cartes compromises. Ce rachat confirme ainsi la volonté de Mastercard d’investir massivement dans des entreprises et des technologies de prévention. Ces dernières années, les sociétés Brighterion AI, Vocalink, Ekata et Ethoca ont toutes été rachetées par le géant du paiement. Or, il n’est pas le seul à entretenir cet élan.
Une course à l'armement cyber
Ces dernières années, les puissantes entreprises mondiales ont mis les bouchées doubles dans leurs dépenses en matière de cybersécurité. Et les exemples ne manquent pas.
Visa et American Express : sécuriser le paiement
Concurrent de Mastercard, Visa a acquis l’entreprise Verifi en 2019. Cette initiative n’avait qu’un seul but : renforcer ses capacités en matière de gestion des fraudes et des litiges, ravivant ainsi son offre de services aux commerçants et aux émetteurs de cartes.
Pour rester dans le domaine du paiement, American Express a investi dans des start-ups de cybersécurité Menlo Security et Cybereason via son fonds de capital-risque. Là encore, l’ambition est clairement de renforcer sa sécurité numérique plutôt que de rechercher uniquement un retour financier.
La finance élargit ses compétences en cybersécurité
Le monde de la finance s’intéresse lui aussi à celui de la cybersécurité. JP Morgan Chase voulait également accroître son savoir dans la télématique et la sécurité des données automobiles. Ainsi, la holding financière a fait main basse sur TrueMotion. Une manière d’élargir encore plus son expertise au-delà des services financiers traditionnels.
L’Europe suit le rythme : Thales et Airbus en exemples
Les groupes européens suivent également cette ruée vers le monde de la cybersécurité. En décembre 2023, le groupe français Thales a racheté l’américain Imperva en seulement 6 mois, un temps record. Le montant de l’opération s’est élevé à 3,6 milliards de dollars. Le groupe s’est ainsi imposé comme l’une des cinq plus importantes entreprises dans la cybersécurité dans le monde. Thales n’était pourtant pas à son coup d’essai. Cette acquisition correspond à sa neuvième dans la cyber depuis 2014. Une réelle volonté d’accroissement rapide dans le domaine.

Récemment, Airbus a, au même titre, « renforcé son portefeuille » dans la cybersécurité, comme expliqué par le constructeur d’avions européen. En mars dernier, le groupe a racheté l’allemand Infodas, dont le chiffre d’affaires annuel s’élevait à environ 50 millions d’euros. Le montant de l’opération n’a pas été communiqué. Or, Airbus était prêt à mettre 1,5 à 1,8 milliards d’euros sur la table quelques mois plus tôt pour l’acquisition de BDS, filiale d’Atos. Les négociations ont finalement mené à une impasse.
La menace croissante impose des investissements stratégiques
Ainsi, la course à l’armement cyber fait rage. Accroître ses connaissances en threat intelligence est devenu primordial. Dans un monde de plus en plus connecté, les menaces informatiques se multiplient et se perfectionnent avec le temps. Les entreprises ne veulent laisser aucune opportunité pour s’introduire dans leur cloud. L’investissement dans ce milieu est donc devenu la norme pour chaque société.
Pour certaines, le rachat d’une société cyber devient inévitable d’un simple point de vue économique. Or, quelques-unes de ces dernières parviennent à résister encore et toujours à l’envahisseur.
La résistance de certaines start-ups
Certaines start-ups de cybersécurité parviennent encore à préserver leur indépendance. C'est le cas de Wiz, une entreprise israélienne spécialisée dans la sécurité des infrastructures cloud. En juillet 2024, elle a refusé une offre de 23 milliards de dollars d'Alphabet, la maison mère de Google, préférant explorer une introduction en bourse. Cependant, face à un marché des IPOs en déclin et à une concurrence accrue dans le secteur du cloud computing, Wiz a finalement accepté une offre d'acquisition d'Alphabet en mars 2025, pour un montant de 32 milliards de dollars en numéraire, la plus importante transaction de l'histoire du groupe.
Cette décision a été motivée par des considérations stratégiques, notamment la volonté de renforcer sa position sur le marché du cloud computing et de l'intelligence artificielle. Le PDG de Wiz, Assaf Rappaport, a souligné que cette acquisition permettra à l'entreprise de poursuivre sa mission tout en bénéficiant des ressources et de l'expertise d'Alphabet.

L'inexorable consolidation du secteur
L'acquisition de Wiz par Alphabet marque un tournant dans le paysage des start-ups de cybersécurité. Alors que certaines entreprises résistaient encore aux sirènes des géants technologiques, cette transaction démontre que, face à des offres financières et stratégiques considérables, il devient de plus en plus difficile de préserver son indépendance. La cybersécurité est désormais au cœur des préoccupations des grandes entreprises, et les acquisitions dans ce domaine devraient se multiplier, redéfinissant les équilibres entre acteurs financiers, industriels et technologiques.
Pour aller plus loin, nous avons reçu Wiz dans notre émission L'Angle d'Attaque de Riskintel Media, avec Erwan Bornier, directeur technique Wiz France, et Geoffrey de Seroux, vice-président Wiz France. Une discussion passionnante sur la cybersécurité, le cloud et les stratégies de croissance dans un marché en pleine consolidation.
Pour retrouver tous nos autres articles, consultez la bibliothèque complète de nos articles.
