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Les ordinateurs quantiques, encore perçus comme de la science-fiction, sont en train de transformer la réalité. Grâce aux qubits, ces machines permettent des calculs impossibles pour les ordinateurs classiques, avec des applications allant de la cryptographie post-quantique à la médecine, la finance et la logistique. Découvrez comment cette technologie révolutionnaire fonctionne, ses promesses, ses risques pour la cybersécurité, et les défis techniques qui restent à relever avant son déploiement à grande échelle.

Les ordinateurs quantiques : mythes et réalités

Si les ordinateurs quantiques ressemblent à de la science-fiction, la réalité est qu’ils sont beaucoup plus proches de nous que nous l’imaginons. En 2025, Microsoft a fait la une des médias avec le lancement de Morjana 1, sa puce quantique, annoncée comme un prototype prometteur ouvrant la voie à de nouvelles applications computationnelles. Ces puces permettent, grâce à des méthodes de calcul uniques, d’atteindre des résultats que les ordinateurs classiques ne peuvent espérer atteindre. Cela inclut, par exemple, des chiffrements ultra-sécurisés, des simulations moléculaires pour mieux comprendre des maladies complexes, ou encore des analyses et trajectoires optimisées pour repousser les limites de l’exploration.

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Avec toutes ces avancées viennent aussi des risques : les ordinateurs quantiques pourraient, à terme, casser certains systèmes de chiffrement actuels (comme le RSA ou l’ECC), mettant en danger la sécurité de nos données. Bien que cette technologie soit encore à ses débuts, les progrès réels sont significatifs et son potentiel est immense.

Qu’est-ce qu’une puce quantique et pourquoi est-elle importante ?

Les ordinateurs quantiques, aussi appelés calculateurs ou processeurs quantiques, utilisent des propriétés de la matière comme la superposition et l’intrication pour effectuer des opérations sur les données.

De l’ordinateur classique au qubit

Pour le grand public, que signifie concrètement cette technologie ? Nos ordinateurs actuels reposent sur des bits, la plus petite unité d’information digitale. Un bit peut être 0 ou 1, et alterne rapidement entre ces états pour exécuter des calculs et stocker des données. En combinant des milliards de bits, nos machines peuvent traiter des informations complexes et faire fonctionner Internet, les applications et les bases de données.

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Cependant, ces méthodes ont des limites. Pour résoudre des problèmes où le nombre de combinaisons possibles est énorme, comme casser un chiffrement ou simuler des molécules, les ordinateurs classiques deviennent inefficaces. Même les superordinateurs les plus puissants pourraient passer des années à calculer sans garantie de succès.

Les ordinateurs quantiques fonctionnent différemment. Ils utilisent des qubits, qui peuvent exister simultanément dans une superposition de 0 et 1. Grâce à la superposition et à l’intrication (des qubits liés entre eux), ces machines peuvent traiter des informations en parallèle, accélérant considérablement certains calculs complexes.

Une nouvelle façon de calculer

Concrètement, un ordinateur classique évalue chaque solution de manière séquentielle, comme une personne explorant chaque chemin d’un labyrinthe un par un. Un ordinateur quantique, grâce à la superposition, peut explorer toutes les voies simultanément, résolvant ainsi des problèmes qui prendraient des années aux machines classiques en un temps record.

Illustration générée par IA

Les avantages et les risques du quantique

Des applications prometteuses

Ces capacités pourraient révolutionner plusieurs secteurs :

  • Cryptographie : l’algorithme de Shor pourrait factoriser de très grands nombres beaucoup plus rapidement que les méthodes classiques, ouvrant la voie à des chiffrement plus puissants.
  • Médecine : des algorithmes hybrides permettent de simuler des structures moléculaires complexes, accélérant la découverte de nouveaux médicaments.
  • Finance et logistique : des approches quantiques et "quantum-inspired" optimisent l’analyse des risques, la gestion de portefeuilles et la planification des chaînes d’approvisionnement.
  • Communication quantique : des échanges ultra-sécurisés deviennent possibles via la téléportation d’états quantiques, bien que de nombreux défis techniques persistent.

Dans des domaines comme les matériaux ou l’intelligence artificielle, le quantique rend désormais accessibles des problèmes autrefois insolubles, offrant un potentiel d’innovation majeur pour les décennies à venir.

Les risques pour la cybersécurité et la géopolitique

La puissance du calcul quantique comporte des risques :

  • Les systèmes de chiffrement actuels pourraient être fragilisés.
  • La collecte de données sensibles pour un futur déchiffrement (Harvest Now, Decrypt Later) devient une menace réelle.
  • La course au quantique accentue les inégalités entre nations, crée de nouvelles dépendances stratégiques et pourrait renforcer la surveillance de masse.
  • L’impact environnemental des infrastructures quantiques, notamment leur consommation énergétique pour le refroidissement, est également préoccupant.

Nos données sont-elles condamnées ?

Absolument pas. La première solution est le chiffrement post-quantique. Depuis 2016, le NIST évalue des algorithmes capables de résister aux attaques quantiques. En 2024, il a publié les premiers standards officiels, Kyber pour le chiffrement et Dilithium pour les signatures numériques. Ces standards permettent aux gouvernements, entreprises et développeurs d’adopter des protections efficaces, interopérables et durables.

Le NIST collabore avec d’autres agences comme le NCSC au Royaume-Uni, le BSI en Allemagne et l’ENISA en Europe pour harmoniser les recommandations et accélérer la migration vers une cybersécurité résistante au quantique.

Illustration générée par IA

Les défis de la production et de la réalisation

Le quantique reste une technologie en développement. Les puces actuelles sont encore fragiles :

  • Les qubits ont un taux d’erreur élevé et perdent rapidement leur information (décohérence).
  • Le fonctionnement exige des températures proches du zéro absolu.
  • La construction de qubits logiques fiables nécessite des milliers de qubits physiques, alors que les machines actuelles n’atteignent généralement que quelques centaines ou milliers de qubits physiques.

Nous sommes donc loin d’une architecture quantique capable d’offrir un véritable avantage dans des domaines exigeants comme la cryptographie ou la simulation moléculaire.

Un mirage financier ?

Si la technologie n’est pas encore pleinement mature, elle progresse rapidement et pourrait devenir concrète plus tôt que prévu. Les bases scientifiques du calcul quantique (superposition, intrication) sont solides, et chaque année apporte de nouvelles avancées.

Cependant, une révolution industrielle quantique reste lointaine. Les défis techniques (stabilité des qubits, correction d’erreurs, refroidissement, coûts énergétiques) compliquent le déploiement à grande échelle. La médiatisation de certaines annonces peut accentuer le hype.

Économiquement, le marché reste spéculatif : certaines actions ont flambé malgré des revenus modestes. Les investissements colossaux, comme les 10 milliards de dollars annoncés par JPMorgan dans les technologies quantiques, visent à préparer la prochaine vague technologique.

En résumé, le quantique est une promesse en construction. La frontière entre science, espoir et spéculation reste floue, mais les progrès réels s’accumulent et motivent chercheurs, ingénieurs et investisseurs à poursuivre cette aventure avec prudence et ambition.

Samuel Huttner
Journaliste RISKINTEL MEDIA